Une planète habitable ?

Publié le par astroJR

 La nouvelle est toute fraiche et commence à faire du bruit. Quelques douze ans après la découverte de la première planète extrasolaire (Mayor et Quelloz 1995), et la moisson de planètes qui s'en est suivie (plus de 200 à ce jour !), voilà enfin la découverte fracassante qu'on attendait : une planète assez comparable à la Terre, en zone habitable !

 Voilà donc le portrait de la petite nouvelle. Gros bébé de 5 masses terrestres environ (soit, sortez vos calculettes, une gravité de surface moins de 2 fois supérieure à celle de la Terre), orbitant en 5 jours et demi seulement, sur une orbite circulaire, autour d'une étoile naine rouge, Gliese 581, à une distance faible (0.07 u.a.), assurant une température moyenne de surface entre 0 et 40 degrés Celsius. C'est-y pas beau ?

 On peut lire le preprint (accepté par A&A) ici : http://exoplanet.eu/papers/udry_terre_HARPS-1.pdf (bon courage aux non-physiciens), ou pour les moins courageux, consulter les données de l'encyclopédie des planètes extrasolaires là : http://exoplanet.eu/star.php?st=Gl+581 , ou lire les articles de vulgarisation suivants : http://www.lefigaro.fr/sciences/20070425.FIG000000047__vingt_annees_lumiere_une_autre_terre.html , http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/international/20070425.OBS3924/decouverte_dune_planetecomparable_a_la_terre.html , http://www.lexpress.fr/info/quotidien/actu.asp?id=11008 ...

 Un peu plus de précisions maintenant. D'abord l'étoile : c'est une étoile de type spectral M3, ce qui la classe dans la catégorie des "naines rouges" : une petite étoile froide. L'avantage de chercher des planètes extrasolaires autour de telles étoiles est qu'il est plus facile d'y découvrir des planètes de faible masse, et que la "zone habitable" (celle où la température de surface est proche de 300 K et où donc peut exister de l'eau liquide) est très proche de l'étoile. Ainsi les planètes du type de GJ 581 c (le doux nom de la petite dernière) sont tout-à-fait dans le domaine de ce que l'on peut mettre en évidence, dont acte. Un autre intérêt est que ce sont des étoiles à durée de vie longue (plus que notre Soleil) et que donc les planètes découvertes, formées grosso-modo en même temps que l'étoile, sont aussi des astres vénérables. Enfin, même si ça n'a qu'une importance psychologique, les naines rouges connues, du fait de leur faible luminosité, sont des étoiles proches. Ainsi GJ 581 n'est distante "que" de 20 années-lumières, une broutille (hum). Cependant, ajoutons un petit bémol : GJ 581 a une faible métallicité, ce qui est un peu surprenant vu son âge (4.3 milliard d'années : un peu plus jeune que notre Soleil), et surtout ce qui signifie que le nuage dans lequel elle s'est formée devait être lui-même peu riche en éléments lourds. Or une planète tellurique, c'est un noyau de fer et de nickel, et un manteau de silicates, ce qui est un peu contradictoire, il me semble... Enfin, cette planète existe, et il semble bien peu raisonable de l'imaginer comme une boule de gaz, vu sa masse faible et son âge déja avancé...

 Ensuite le système planétaire. Une planète était déja connue depuis deux ans, orbitant autour de GJ 581 : GJ 581 b est un "Neptune chaud", une planète de masse importante orbitant à une très faible distance de l'étoile. Elle avait été découverte, comme la plupart des planètes extra-solaires, par la méthode des vitesses radiales : en analysant l'évolution du spectre de l'étoile au cours du temps, on peut mesurer le décalage Doppler donnant l'évolution de la projection de sa vitesse sur la ligne de visée ; ainsi l'effet gravitationnel d'une éventuelle planète peut être mesuré, ce qui est de beaucoup plus facile que de chercher à observer directement la planète. Dans le cas qui nous intéresse, les éléments orbitaux de la première planète étaient connus avec une précision suffisante pour qu'on se rende compte que quelque chose "clochait" : d'autres perturbations périodiques s'ajoutaient à celle due à la première planète. Le scénario le plus probable était qu'il existât une autre planète en orbite autour de l'étoile, et c'est ce que confirment les observations plus récentes. Ajoutons même qu'une troisième planète existe très probablement dans ce système : une planète de 8 masses terrestres, orbitant à une distance bien supérieure à celle des deux premières. Cependant il y a d'autres scénarios envisageables, entre autre car l'étoile est assez active et des variations périodiques de son spectre peuvent aussi être liées à son activité magnétique.

 Enfin, un petit rappel toujours assez ennuyeux concernant les planètes découvertes par la méthode des vitesses radiales : comme on n'a accès qu'à une projection de la vitesse radiale sur la ligne de visée, les éléments orbitaux dépendent fatalement de l'angle entre celle-ci et la normale au plan orbital de la planète (ce qu'on appelle l'inclinaison). Ainsi la masse de 5 masses terrestres annoncée est en fait le produit de la masse de cette planète par le sinus de cet angle ; un petit calcul de probabilités devrait donc faire pencher la balance plutôt pour 6 ou 7 masses terrestres, ce qui ne change pas grand chose aux conclusions. Mais le cas d'une inclinaison très faible n'est pas à exclure totalement...

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