Après le débat...

Publié le par astroJR

 En créant ce blog, je m'étais fixé comme règle d'éviter la politique, histoire que tout ça reste léger, mais bon, l'époque n'étant pas à la légèreté, je change d'avis au dernier moment d'une campagne électorale qui dure depuis... pfff... 2002 ?

 Donc j'ai regardé le fameux débat entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, via le site d'une chaîne de télé, en lisant en même temps les réactions sur divers fora, sinon j'aurais pas tenu le coup. Aïe.

 Résumons.

 Nicolas Sarkozy incarne une droite "décomplexée", proche de Thatcher, Aznar ou Berlusconi. Je ne vais pas développer ce que je pense de ces "modèles", je deviendrais malpoli... Il a entamé sa précampagne dès 2002. D'abord en incarnant, à la présidence l'UMP, puis au gouvernement, une sorte d'opposition interne au "clan Chirac - Raffarin - Villepin".  Querelles de clocher, aucune importance. Sinon qu'il a ainsi commencé à séduire une part importante de l'électorat de la droite (et de l'appareil de l'UMP), en abandonnant quelques postures "gaullistes" passées de mode. Puis, deuxième acte, après la déconfiture de Chirac et Raffarin suite au "non" au référendum sur la consitution européenne, et le gros remaniement ministériel qui s'en est suivi, il a fini par obtenir le poste qu'il lui fallait pour se faire connaître : le ministère de l'intérieur. Et c'est là que ça se gâte sérieusement.

 La méthode Sarkozy, à ce poste, a été très remarquée, et c'était ce qui était cherché. Violence verbale assumée (Kärcher, racailles, nettoyage), impunité pour les bavures policières, mais surtout un incroyable montage médiatique de cette méthode. C'est bien simple, Sarkozy a utilisé ses relations avec l'appareil médiatique pour faire sa précampagne en utilisant sa position ministérielle ; chaque provocation, quelles qu'en aient été les conséquences, lui a servi à pêcher les voix de l'extrème droite, le réservoir dans lequel les chiraquiens ne pouvaient plus espérer attraper quoi que ce soit. Voilà donc le portrait du probable futur président : un pompier pyromane, capable de tout pour satisfaire ses ambitions et édifier sa propre statue.

 Qu'on ne s'y méprenne pas. Ce n'est pas un fasciste, accusation outrancière un peu trop usée. Bonapartiste, peut-être. C'est un homme de droite, certainement, avec des convictions cependant flottantes. S'il faut draguer les libéraux, il est libéral ; s'il faut piquer des voix au FN, il se montre autoritaire, "homme à poigne" ; s'il faut, comme au deuxième tour, les voix du centre, il arrondit son discours et se fait mielleux. C'est ce visage qu'il a présenté lors du débat télévisé de ce soir.

 À Ségolène Royal, maintenant. De la manière dont elle a été désignée comme candidate du PS, il y aurait déja pas mal de choses à dire : elle est la candidate désignée par les "nouveaux adhérents" du PS, contre les "éléphants", la vieille garde incarnée par Fabius ou Strauss-Kahn ; tiens, ça rappelle quelqu'un, dans un autre parti, ça... Mais le parallèle ne tient pas longtemps ; elle n'a pas à sa disposition un ministère pour s'imposer dans les médias, et quant aux relations avec ceux-ci, elles sont plutôt houleuses. Et puis, il faut bien le dire, passé l'enthousiasme initial de ses partisans à l'intérieur du PS, elle ne parvient vraiment pas, dans un premier temps, à convaincre les électeurs de gauche. Normal, elle est fondamentalement, idéologiquement, de droite ! Elle défend la "valeur travail", la famille, la nation, aaaargh... Bref elle laisse un boulevard à la droite. Là intervient Bayrou, qui profite au mieux de la situation, mais bon, là ça commence à devenir compliqué.

 Toujours est-il que finalement, Sarkozy piquant les voix du FN en se montrant tout aussi moche, et le "vote utile" (la crainte entretenue par le PS d'un "nouveau 21 avril", plus la peur légitime suscitée par le personnage médiatique de Sarkozy) marchant à fond pour Royal (et pas mal pour Bayrou...), on a un second tour Royal-Sarkozy, avec Sarkozy en tête dans les sondages, mais une incertitude persistante malgré tout. L'extrème-gauche, affaiblie, ainsi que les lambeaux de l'ex gauche plurielle, ont appelé à voter pour Royal (ou "contre Sarkozy", ce qui revient au même), Bayrou (implicitement) et le FN (explicitement) appellent à l'abstention, Villiers rejoint Sarkozy. Logiquement, les deux candidats vont se disputer les voix du centre-droit.

 Dont acte. L'agressivité déployée par Royal cache mal que, dans le fond, c'est Sarkozy, extraordinairement calme, qui mène le "débat" : il fait les questions et les réponses, et Ségo court derrière : elle semble dire à chaque fois "je suis aussi à droite que vous" ; elle aussi promet de s'en prendre au régimes spéciaux de retraites, ne veut pas de régularisations massives de sans-papiers, défend les subventions publiques aux PME... Les petites phrases assassines volent dans tous les sens, sans grand esprit, sans but : pourquoi s'attaquer si on a le même discours ? Lorsque Ségo a l'occasion de défendre une position un peu moins servile vis-à-vis du patronat que ce que Sarko propose, elle se défile par un "nous verrons avec les partenaires sociaux, ils décideront". Et je passe sur le double cafouillage ridicule sur l'EPR, où chacun a montré sa méconnaissance du sujet (et par là-même de toute la question énergétique, pourtant cruciale), mais a menti avec le plus d'aplomb possible.

 C'est quand même dingue ! On sort de cinq ans de gouvernement de droite, avec toute la morgue du "bien pensant économique" qui va avec, droite désavouée par une série de sanctions sévères (régionales, référendum, manifs anti-CPE, etc...), et tout ce que la gauche parvient à faire, c'est encore et toujours à se trahir elle-même ?

 J'ai prévu de voter pour Royal, je n'en fais pas mystère. Parce que Sarkozy me fait un peu peur, parce que sa défaite (hélas improbable) serait une jolie claque à la droite au pouvoir depuis cinq ans, et surtout parce que ça redonnerait un peu d'espoir à... à qui donc ? Arlette dirait " aux travailleurs de ce pays" ; d'autres "à ceux qui croient qu'un autre monde est possible" ; je ne sais pas si je peux me classer sincèrement dans un groupe ou dans l'autre, ou dans les deux, mais bon, si Royal gagne, tout n'est peut-être pas pourri. À condition qu'on puisse vite lui faire comprendre qu'elle n'a pas un chèque en blanc et que son discours nous déplaît bien autant que celui de l'autre. Et si Sarko gagne ? Euh... ben pareil, pas question de baisser les bras, mais ce sera plus dur encore.

Publié dans Politique

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